1. |
Le langage des oiseaux
04:57
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À chaque jour je la croise pour la première fois, Celle qui dévore mes fantasmes comme les restes interdits du roi. / Accroché à une mangeoire exposée au gré du vent, / Je m’offre comme totem d’un soir taillé sur l’arbre de ses amants. / Au même moment où je l’investis de ma pensée je reçois / L’identité secrète qui me permet de m’élever parmi les oies / Qui à chaque saison sauvage migrent le long de corridors étroits / Jusqu’aux bancs d’école où le rêve d’unir leur corps échoit. / Sur la berge, les carcasses d’oiseaux se mêlent à celles des humains / Qui se sont jetés du haut de l’escalier dressé comme phare alexandrin. / Leur sexe découvert est offert brûlant à la vue de tous / Pour leur rappeler que l’instinct ne peut pas nous sauver du gouffre.
Messager du monde invisible silencieux la nuit, / Mon discours est sans paroles, sans langues et sans bruits. / Entends-le sans oreilles et comprends-le sans ton esprit.
Un murmure s’élève comme une rumeur dans la volière des charognards ; / On accuse mes pairs d’être des tueurs sous leur armure de miroir. / Pourtant ils se nourrissent du silence des sépultures à ciel ouvert / Où pourrissent les corps morts couverts de honte et de vers. / Quand j’ai pris mon envol, j’ai retenu dans mes serres des lambeaux de chair, / Arrachés au col des statues de sel sur lesquelles mon bec s’acère. / Perdus de vue par l’adulte, errent au sol les enfants qui se trompent de mère / Et trient parmi les cris le reflet de celui qui pourrait les faire taire. / Amaigris ils ont appris à survivre sur terre dans un espace restreint / Et se sont construit un nid de disques et de livres qui les libère de la faim. / Les ailes déployées dans leur cage ils ont été floués par l’appeau, / Par le chant du chasseur au plumage camouflé sous sa peau.
Les roulements de tambour sonnent la marche forcée des oiseaux / Dans la parade des oriflammes aux couleurs vives de leur libido. / Rouge, Iblis la nuit dernière m’a encore troué les lèvres de ses mots / Et m’a convaincu de signer la trêve pour mettre fin au massacre des oripeaux. / Sauf qu’à mon réveil j’avais dans la bouche un goût âcre de charbon et de fer / Et pris les taches de sang sur l’oreiller comme une déclaration de guerre. / C’est pourquoi j’ai levé une armée en même temps que le soleil / Et couru sur la ligne d’horizon jusqu’à ce que mes pieds deviennent vermeils. / Le coq sur les armes de mon blason sonne l’alarme d’une crise existentielle ; / Ma cote sera les femmes qui périront dans les flammes de mon sommeil. / Et quand le phénix renaîtra dans les cendres tièdes de ces matins consumés, / Il saura que les passages des eaux du Styx finissent par tout faire oublier.
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Occuper les marges
03:39
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Il s’est lancé dans le recel des doctrines orientales / Où il est devenu l’infidèle reclus qui a vendu en ligne l’animal / Pour transgresser les règles du marché interdit / Auquel le désir de solitude a mis une tête à son prix. / Le combat pour faire grandir sans eau l’embryon de son âme / N’a fait que lui fournir trop tôt l’embarras des armes / Mais sa bouche comme ses bras blessent quand ils embrassent l’ivresse / De posséder les mots et les voix qui dictent le choix de ses gestes. / Il ne sait plus où il a perdu le regard de l’Autre / Peut-être volé par cette gitane dont il a déjà été l’hôte / Et qui lui a laissé à conserver des miettes de souvenirs fauves / Qui guettent le moment propice pour sortir se nourrir d’aumônes. / Dès que les sacrifiées entrent dans l’arène où ses pensées rôdent / Elles se limitent désormais à leur seul statut de choses / L’instinct a tôt fait de lacérer les corps marqués par la faute. / Pour enfin se délecter du festin bridé au fond de leurs yeux jaunes.
Pour purger le mal il a choisi de s’exiler sur une montagne / Et d’invoquer le vide en lisant des magazines de femmes. / Il a scellé le sacré de l’offrande dans du papier glacé / Et taché ses doigts d’une encre qui n’a jamais séchée. / Son empreinte est visible quand se déchaînent les mains / Qui contiennent les mots comme sa haine entre deux points. /
L’haleine des chimères taillée à même les restes du matin / Vient empester ses prières scandées comme des vulgaires refrains. / Par dégoût il s’est rasé le crâne à coup de cubes de sucre, / Le fou a ainsi embrasé les charmes des succubes qui luttent / Entre elles pour une place sur le trottoir de ses rêves / Et qui espèrent se faire traîner dans le froid de ses soirées de misère. / Pour se réchauffer il a ouvert les entrailles de ses cendriers / Et essayé de lire l’avenir dans les mégots allumés. / Par accident il a mis le feu et la maison close s’est éclairée / Sur une scène de film que la vitre propose à ses invités.
Il a compris que tout ce qu’il écrit est le traité d’une revanche / Imprégnée de la salive empoisonnée des confessions illusoire / Que cette prêtresse aux seins nus a initié dans l’espoir / Que sa langue glisse et révèle la ligne courbe de ses hanches. / Les lapsus s’oupsent et roulent en semence entre ses cuisses / Tandis que la corne symbolique de Baal se hisse / Dans la structure de l’écrit primal des lettres magiques / Qui dressent les plus sauvages en golems aux crocs d’aspic. / Sa parole s’envenime quand s’anime le visage de l’alinéa / Qui cherchent à faire sortir le paragraphe de son plan plat. / Soumis à la main divine qui le tient serré entre ses doigts / L’animal triste s’affaisse dès qu’il a craché sur sa proie. / Dans le vide de ses marges se déploie l’obscène de ses traits / Qui révèlent le vrai vêtement d’où ses fantasmes s’extraient ; / Des La Senza souillées aperçues sous des robes de jour / À l’insu de l’idéal religieux qui s’est construit autour.
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La plaie et le couteau
04:15
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Devant moi s’ouvre le désert, / Imprégné du silence de la route de Soi / Je m’apprête à traverser encore une fois / Le vide affectif sur un fil de fer. / En suivant les traces stériles laissées par la mer / J’espère encore trouver dans le sable / La rose en pierre qui pourra sceller mon âme. / Mais les grains glissent entre mes doigts / Et ceux qui restent collés à ma sueur s’y noient, / Ne pouvant survivre du peu de chaleur que j’octroie / Surtout la nuit quand je dors et que mon corps devient froid. / Cette petite mort est une escale / Où j’en profite pour alléger le poids de mes sandales / Et attendre en méditant / Le passage de la prochaine caravane sentimentale. / Mais dès que souffle le vent de l’est / Mon attention se disperse, / Balayée avec les restes d’Osiris / Aux cinq coins de la pyramide de verre / Qui permet de momifier le peu d’humanité qui me sert. / Chaque morceau isolé de plénitude / Qui coexiste en moi sans se rencontrer / Sont rassemblés à chaque fois par l’attraction qu’exerce / L’amante fidèle qui conserve encore en elle / Les larves de Bombyx lui permettant de tisser le ciel. / À l’abri dans les motifs opaques du tapis / Les secrets du zodiaque s’épanouissent en mythes / Qui grugent les fibres de vérité jusqu’à l’oubli. / Mais avec l’équinoxe du printemps subsiste / Un rite de survie millénaire qui consiste / À faire des poupées d’ivoire en chair / À partir de corps blanchit par l’hiver.
Pour chacune d’elle je construis un sanctuaire / À même l’endroit où je les enterre. / Chaque partie de saint devient une relique / Qui facilite le maintien d’un lien psychique / Avec la force contenue dans le souvenir / Des rencontres hérétiques que j’invoque avec mes soupirs. / Sous le couvert de la prière, / J’ingère les différentes espèces d’amanites / Qui macèrent dans le jus de mes oraisons écrites. / Mais ce sont les improvisations qui précipitent / Les apparitions subites de la Vierge Noire / Que je confonds avec le délirium de l’arrêt de boire. / Seul homme sur la rive du fleuve de l’amour illusoire / Je me jette dans la mère morte / Et rapporte le début de mon histoire / À la nuit où les vagues ont cogné à ma porte. / Cette nuit-là mes rêves se sont ouverts / Et le dialogue pervers qui me parcoure l’échine / S’est levé comme un cobra royal qui hallucine / Sa morsure entre la dentelle et un tatouage tribal anonyme. / Les illusions au sujet des icônes s’animent / Et pour circonscrire le champ de l’angoisse à l’abîme / J’ai roulé en cônes les ombres féminines / Qui dansent derrière le papier de riz / Et fumé les filaments de résine / Jusqu’au bout de mes doigts jaunis. / Dans le creux sombre de leur épiderme / Les lacérations profondes sur leurs poignets / Se lisent comme des histoires de martyres modernes / Que la souffrance interne raconte. / Les larmes de sang qui s’écoulent sur les joues de porcelaines / Les rendent si belles que je découvre des veines / Là où il n’y avait que des traces de vie humaine : / Dans les draps d’une rivière asséchée / Tachés des stigmates mensuels / Où les seuls textes sacrés qui nous restent / Sont des bouts de papiers sur lesquels / Sont inscrits les numéros de nos ex.
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Ramasser les corps vides
05:08
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En marchant sur le bord vide de la pulsion trouée / J’ai parcouru en boucle le sentier disputé à mes visions / Alourdi par le prolongement noirci de mes vieux jours gris / J’ai fini par plier sous le poids de cette douce mélancolie / Qui me pousse à écrire pour combler à la course la distance / Qui sépare chaque percée de soleil de mes sorties de transe. / Au réveil j’ai affronté seul l’épreuve du manque / Dans laquelle s’arrachent un à un les mots de mon ventre, / Pour faire cesser les crampes j’ai bu des litres d’eau de fleur d’oranger / Qui sont devenus autant de mots d’amour en un langage codé. / Depuis dans mes tripes existent des poèmes pleins de non-dits / Construit à même la mesure du vers marqué au compte du mépris / Et qui hante la chambre anéchoïque du spectre de leur présence / Comme si la peur trace la limite du lieu où habite le silence. / Par chance l’enfant a porté une clé autour de son cou / Pour pouvoir retourner dîner seul chez lui juste au cas où.
Mes monologues sans autres ont modelé ma réalité / Autour d’un pôle sur lequel ma quête s’est articulée. / J’ai passé mes soirées à attendre son téléphone / Mais tout ça pour rien, je n’attends personne, / Seulement la coque vide d’un spectre d’intentions / Où en l’espace d’une parole j’ai déduit une relation. / J’invoque à voix haute les fantômes de mon passé amoureux / Pour qu’ils me soulèvent dans les airs à hauteur de leurs yeux / Et qu’ils confondent les mots qui s’échappent de mes lèvres / Avec l’écho de leurs propres pensées qui m’obsèdent. / Je suis arrivé là où les efforts pour conjurer le sort se perdent, / Quand les déceptions sont si belles que l’action les précède. / En elles subsistent le manque qui articule mon texte / Et qui déploie la logique du vide en un vortex. / Je m’entraîne à multiplier les différents sens des mots possibles / Mais je cherche encore quelqu’un pour me servir de guide / Et sortir du cercle de craie yézid que j’ai tracé autour de moi / Sans risquer de m’écrire n’importe quoi dans le dos et sur mes bras.
Marqué par la paume de mon père sur mon visage / J’essaye de quitter les haillons imposés avec l’âge. / La créance m’endette aux maillons de la chaîne / Et la souffrance s’assure sur le risque de ma haine. / Rescapé sur l’île déserte où j’ai échoué mes rites de passage / J’ai inventé un système qui me permet de remplir à plein pages / Des décharges de colère, d’insectes et de saletés / Pour que mes nuages transgressent les frontières rapiécées / Et que du ciel s’abattent les drones d’Égypte sur mes plaies / Pour guérir les aphtes comme du sel sur mon palais. / La plage a gardé intactes les traces de mes insomnies / Et je sursaute à chaque fois que je les croise en pleine nuit. / Parce que j’ai oublié d’effacer la piste sauvage de mes envies / Les matins ont retrouvé le lieu où se taisent mes récits / Distillés dans la rosée de mes rêves en un réel frelaté / Qui me rend aveugle lorsque je les bois en trop grande quantité.
Chaque jour encoche l’écorce des arbres comme un supplice / Pour finir par les dénuder des liens d’autorité qui les unissent. / Reliés entre eux par un code morse calligraphié en plein et délié / Ils créent un labyrinthe de chemins usés à force de traîner les pieds. / J’ai cherché à m’affranchir du mythe du minotaure / En cousant mes lèvres chaque fois que le langage me traversait le corps. / Pour garder en moi tout cet air qu’on m’a forcé à avaler / Je me suis envolé dans les principes d’une morale insensée. / Aujourd’hui je touche terre dans les parois de mon verre de café / Pour y déceler dans ses restes les hiéroglyphes de mon passé. / En soufflant sur les fragments de sablier au creux de ma main, / J’ai déterré le temps de passage qui permet au chiromancien / De lire l’avenir dans l’écrin de l’hallucination cauchemardesque / Quand il n’y a plus rien qui puisse venir à bout de tenir cette promesse.
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Sous la peau de l’ours
04:02
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Lutter contre le sommeil ne s'est pas avéré une solution à mes rêves récurrents, / Pour faire fuir les pigeons, des clous de six pouces sur chaque corniche en guise d'ornement, / M'ont suggéré comme cénobite prisonnier du cube de Lemarchand. / La tête lourde, je m'enfonce la nuit avec chaque respiration / Pour me réveiller le matin sur le sol de mon imagination. / En me levant je remplis mon cahier de notes des observations faites de cette fenêtre, / Sachant très bien que le matelas refermé sur moi, n'avait qu'un souhait, celui de me faire disparaître. / Pour préserver mon anonymat j'ai mis le feu aux vêtements que j'avais déjà porté / Et la seule façon qu'il reste à l'ennemi pour arriver à me reconnaître / Est la collection de piqûres d'insectes alignées sur un de mes côtés. / Pourtant j'ai l'impression qu'on me force à afficher mon identité sur un brassard / Me faisant sentir vulnérable comme si ce qui était caché pouvait désormais se faire voir. / À toutes les fois que je sors, le poids de l'histoire collective s'écrase contre ma vitre / Ce ne sont plus que des plaintes dérisoires qui traversent mes tripes. / J'ai essayé d'arrêter de me nourrir d'impressions antisémites / Mais le seul remède efficace s'est avéré un mélange d'alcool fort et d'herbes macérées / Que j'ai calé dans des mini-bouteilles en pleine rue. / Au dessus des souterrains jaunes où le coût des transports a été perdu de vue, / Je ne peux plus feindre d'ignorer l'éventualité d'un bras tendu / Qui risque de surgir hors de terre pour s'agripper à mes chevilles / Et m'entraîner dans la fosse commune qu'est la fausse humilité des vaincus. / Opprimé par l'angoisse associée aux restes d'un souvenir totalitaire / Je revendique la primauté de certains de mes plaisirs solitaires / Qui me permettent de passer de longues heures seul dans ce cimetière / Où dans chaque recoin s'entremêlent l'odeur de pisse et de bière. / Par souci de rigueur j'ai pris les corbeaux comme témoins immobiles de mes vices / Mais même eux s'indignent par leur cris de me voir vivant parmi les immondices ; / Des restes de cadavres et de squelettes qui s'accumulent et pourrissent mes relations / Prises dans des répétitions encore plus évidentes quand se confondent les prénoms.
Embarqué dans un train en direction des lieux qui me hantent, / Je me sens déjà vieux devant les nombreuses soirées que j'appréhende. / Si au moment de l'énoncé je suis déjà le souvenir d'un passé éteint, / Exiler mon corps hors du champ de la parole n'aura servi à rien. / Je me revois encore une fois essoufflé dans une gare sur les quais / À essayer de trouver vainement l'endroit que le symbole a marqué / Du sceau d'un réel qui m’autorise à recommencer à boire et fumer. / Perdu dans des réflexions existentielles que j’ai de la misère à articuler, / Les arrêts aux stations m'offrent le répit de brûler ma langue au soleil / Et je sacrifie en parlant le contrôle sur ma production personnelle d'étincelles. / Sauf qu'au fil des jours dans ma bouche la pile de cendre qui s'amoncelle / Me fait cracher une fumée grise quand je tousse des restes de sommeil.
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6. |
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Pour compenser la perte de clarté de mes journées / J’ai enroulé un foulard autour de mon visage / Pour ne laisser paraître que mes yeux élimés, / Brûlés par le reflet du soleil sur la neige sale. / L’hiver intérieur qui m’habite facilite le pistage / De la bête qui vit dans le désir de mes voyages. / En cherchant des traces fraîches de mon ethnicité, / J’ai traqué le démon pendant plusieurs semaines / Pour enfin la retrouver dans une église du Mile-End / Mise en pièce sur la scène d’un théâtre de vérité. / La pulsion sexuelle transformée en quête spirituelle / Guide le trajet de ma réponse à l’appel du minaret / Et je fraye mon chemin parmi la foule des fidèles / Qui sommeillent comme sujet des rêves que je fais. / Les prières m’ont fait tourner sur moi-même de façon obscène.
Et je me révèle entre les moments où les parois de la caverne / S’ouvrent et se referment le temps d’un passage clandestin. / Comme chaque déplacement est marqué par l’effet de son retour, / J’ai été trompé par la distance entre moi et l’astre de jour. / Si j’avais su que ce permis de chasse n’était pas le mien / Je n’aurais jamais retué l’animal dont je m’étais déjà nourri.
Seule ma langue décèle le sel de mes larmes / Lorsqu’elles glissent de mes joues à ma bouche. / Même les sachets de thé collés sous mes yeux / N’arrivent pas à en changer le goût de souffre. / Ma tristesse contient la saveur artificielle du sacrifice / Car on m’a convaincu de faire don de ma souffrance / À l’influence magique qu’exercent les paroles de l’exorciste. / J’ai cherché à entendre au-delà du sens, / Mais des mots arabes se sont insérés dans la prêche / Et ont recouvert le vide du discours d’une étoffe de laine rêche. / Aucune unité de mesure ne permet d’évaluer le poids de l’humilité religieuse / Ce n’est qu’en se frappant dessus qu’on s’aperçoit qu’elle sonne creuse. / Même si on a serti le contour de la foi de pierres précieuses / Les étapes de la voie ne restent que des anneaux de plombs / Chauffés à blanc par la chaleur corporelle de nos doigts / Afin de transmettre au métal froid la part honteuse de nos pulsions. / Sous la barbe et le turban, se cache l’objet brillant / Qui me pousse à joindre spontanément le chant de la prière. / Le tournoiement des derviches vient soulever la poussière / Qui s’accumule sous les meubles de mes conversations de salon / Et fait rougir mes yeux lorsqu’elle passe entre mes poumons.
En marchant parmi les épouvantails dans le champ du croire / J’ai croisé le spectre d’un homme au regard presque vide / Qui se promène sans le savoir sur le sentier d’un réel / Que j’élide trop souvent de mes réflexions pour me perdre. / Par hasard, j’ai fait asseoir mon œil parmi ses couleurs / Et vu l’étrangeté du silence qui émane de ses gestes. / En enfonçant l’empreinte de ma poigne près de son cœur / Il a pris la mesure de ma force avec deux doigts de sagesse. / Un mutisme complaisant trahit une différence évidente / Et par son sourire entendu je comprends le peu qui lui reste. / Pourtant parmi ce rassemblement de soufis un seul se dresse / Et c’est lui l’homme libre à qui on a coupé la langue. / Œil pour œil, les mots sont le prix d’une vérité cartésienne / Car il n’a pas su parler ce qu’il ne pouvait vérifier par lui-même. / Soutenu au-dessus du gouffre par une parole de femme, / Ses muscles tremblent quand son corps en témoigne / Et les seuls bouts de mémoire arrachés de sa bouche / Sont des phrases articulées quand l’anche rencontre son souffle. / Au contact des différentes trames inconscientes qui se touchent / Émerge l’être d’origine que le fantasme étouffe. / Et tandis que les autres tourbillonnent emportés par la bourrasque / Lui par défaut demeure dans l’œil du cyclone et reste sur place.
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7. |
Halluciner les dieux
05:42
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Je puise à même la force de mon intellect / Pour arriver à reconstituer le squelette / Inusité de mon patrimoine étrique. / Je relis attentivement les lettres / Qu’inconsciemment je me suis écrite / Je cherche avec conviction la ligne directrice / Qui m’éclairera sur la lie au fond de mes actes. / Je révise de façon maladive les textes trismégistes / Pour arriver à isoler le substrat / sur lequel se greffent les excroissances / Qui tissent la surface du drap lisse des apparences. / En suivant les signes de piste du Grand Jeu, / Ma voie se précise, délimitée par des balises claires / Qui m’amènent à retrouver foi dans ce que je veux ; / Troquer les aspérités du sous-bois / Pour le terrain plat de la clairière. / J’aimerais être mieux, / Mais quand j’accède à un autre milieu / Les cicatrices sur mes mains s’amincissent et cèdent / Les stigmates succèdent aux allergies / Dès que je m’acclimate à l’inconfort du crucifix. / Quand je prêche sur le parvis du temple / Et que je m’identifie aux idées que j’invente, / Plus rien ne m’isole de mes paroles. / Un type de psychose christique / S’implante dans la nature de mon espèce / Et infecte la psychologie du corps que par paresse / J’ai laissé choir comme mort sur le sol. / Dissocié du macchabé de mon histoire terrestre / J’inspecte les membres sclérosés que je dépèce / Et en saupoudrant les restes de talc, / Je conserve l’empreinte de mes époques. / Je calque sans crainte les rôles que j’adopte. / Car tout est consigné dans mes archives, / Des feuilles mobiles en stock de vivres. / Mais je n’ai plus la force de retourner à mes écrits / Et les esquisses précoces s’accumulent dans l’oubli / Comme autant d’ancêtres anthropoïdes / Qui ont luttés dans le vide pour leur survie. / À ce stade-ci, j’ai les deux mains dans le compost / Et je m’évertue à ressusciter le Faust de mes récits, / Celui qui a fait monter le diable et le magicien dans le même char / Avec comme but de réaliser l’or du millième matin. / Mais il y a encore des fragments de miroir / Sur le plancher de la salle de bain / Et quand je marche pieds nu sur la céramique blanche et noire / La couleur du sang me resitue à un niveau plus humain.
Ouverture sur le monde / Et sur ses contes grotesques / Quand les mythes s’envolent, / Seul le linge sale reste.
Pour retrouver la noirceur nourricière de mon isoloir, / J’ai débranché à contrecœur l’ordinateur / Qui me détournait de l’activité vive de ma mémoire. / Occupé par des jeux solitaires compensatoires, / J’ai pallié à l’amour que j’étais incapable de recevoir. / Maintenant que la peur d’être seul est plus que présente / Je retrouve l’odeur familière de l’encens / Et le besoin de boire un thé à la menthe. / Les derniers mois ont remis à vif mes contradictions latentes / J’ai donc racheté le bouddha décoratif que j’avais mis en vente. / En renversant à nouveau le contenu de ma tasse / J’ai pu observer par où passe l’ennui qui nourrit mes manques ; / Irriguées de désirs, mes envies prolifèrent / Du côté où mes dépendances se transfèrent. / Par sécurité je garde en vie des peurs non-fondées, / Hanté par l’odeur des restes humides de l’incendie / J’associe des agrégats d’émotions solides à ce que j’écris. / La crainte m’oblige à garder l’équilibre / Car dans mes crises de vertiges je suis attiré par le vide / Et la chute qui vient avec si je me décide. / Par moment je parviens à lâcher prise / Et évite d’affronter mes souffrances de façon impulsive, / Si je lévite je me ramène vers le bas / Où j’oppose ma situation actuelle à mes aspirations réelles / Afin de définir les résultats circonstanciels. / Je me revois dans les décombres d’un sous-sol de banlieue / Qui s’est écroulé avec la perte des symboles qui me reliaient aux dieux. / Dans cette pénombre on peut encore entendre des airs de rock progressif / Rythmés par la quinte de toux d’un groupe d’adolescents dépressifs / Qui s’étouffent en négociant entre les tentatives et les suicides, / Élargissant leurs perspectives avec chaque trip d’acide. / Cependant, l’arrière-goût du buvard est devenu insipide / Et le fond de mon regard de moins en moins accessible. / Je ferme mes paupières pour contenir la prière / Qui accompagne chaque souvenir que j’incinère. / Au centre de mon être trône une urne funéraire / Pleine des cendres de la peine associée aux amis que je perds. / La flamme sous mon creuset voudrait voir le jour au sommet de mon crâne, / Fondre les différents aspects de ma personnalité pour enfin en faire une âme.
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8. |
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9. |
Enterrer l’aurore
04:41
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Endemik Music Montréal, Québec
Canadian independent hip hop and experimental label since 2001. Originated in Halifax, NS and re-located to Montreal, QC.
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